Question de langue #21 – Les accents (3/3) : les accents circonflexe et tréma

De temps en temps, les accents sont de fieffées enflures… Pour fixer leurs différents emplois, j’inaugure donc une série de questions de langue leur étant dédiées ! Je me concentre sur leur usage dans la langue française et non leur histoire, que d’autres sites ont déjà développée de manière satisfaisante. Si besoin est, voici les liens vers les accents grave et aigu.

Aujourd’hui : les accents grave et circonflexe !

L’accent circonflexe

Introduction : le cas circonflexe

L’accent circonflexe ou « chapeau chinois » se place sur les voyelles « â », « ê », « î », « ô », « û » à l’exception du « y ». Si l’accent circonflexe placé sur les lettres a, o et e peut indiquer utilement des distinctions de timbre (mâtin et matin ; côte et cote ; vôtre et votre ; etc.), placé sur i et u il est d’une utilité nettement plus restreinte (voûte et doute par exemple ne se distinguent dans la prononciation que par la première consonne).

Si cet accent représente une importante difficulté de l’orthographe du français, c’est notamment  à cause de son emploi incohérent et arbitraire qui empêche tout enseignement systématique ou historique. Les justifications étymologiques ou historiques, par exemple, ne s’appliquent pas toujours : la disparition d’un s n’empêche pas que l’on écrive votre, notre, mouche, molte, chaque, coteau, moutarde, coutume, mépris, etc., et à l’inverse, dans extrême par exemple, on ne peut lui trouver aucune justification. Il n’est pas constant à l’intérieur d’une même famille : jeûner, déjeuner ; côte, coteau ; grâce, gracieux ; mêler, mélange ; icône, iconoclaste, ni même dans la conjugaison de certains verbes (être, êtes, était, étant). De sorte que des mots dont l’histoire est tout à fait parallèle sont traités différemment : , mais su, tu, vu, etc. ; plaît… mais tait.

L’usage du circonflexe pour noter une prononciation est donc loin d’être cohérent : bateau, château ; noirâtre, pédiatre ; zone, clone, aumône ; atome, monôme. Sur la voyelle e, le circonflexe n’indique pas, dans une élocution normale, une valeur différente de celle de l’accent grave (ou aigu dans quelques cas) : comparer il mêle et il harcèle ; même et thème ; chrême et crème ; trêve et grève ; prêt et secret ; vêtir et vétille. Si certains locuteurs ont le sentiment d’une différence phonétique entre a et â, o et ô, è ou é et ê, ces oppositions n’ont pas de réalité sur les voyelles i et u (comparer cime, abîme ; haine, chaîne ; voûte, route, croûte ; huche, bûche ; bout, moût, etc.) L’accent circonflexe, enfin, ne marque le timbre ou la durée des voyelles que dans une minorité des mots où il apparaît, et seulement en syllabe accentuée (tonique) ; les distinctions concernées sont elles-mêmes en voie de disparition rapide.

Mais, s’il n’y a pas de règles générales, son utilisation n’est pas exempte d’astuces…

Maîtriser le circonflexe

Astuce 1 : on utilise un accent circonflexe sur les « o » des adjectifs possessifs.

  • le nôtre, le vôtre, les nôtres, les vôtres…

Astuce 2 : on le retrouve sur certains adjectifs et noms.

  • Exemples d’adjectifs : mûr/mûre, sûr/sûre
  • Exemples de noms : le jeûne, aumône, boîte, chaîne, château, croûte, grâce, icône, traîner, traître, trêve, voûte…

Astuce 3 : on utilise un accent circonflexe pour certains mots qui ont perdu une lettre avec le temps et en général un « s ».

  • Âne et asne, château et chasteau, fenêtre et fenestre, gîte et giste, hôpital et hospital, goût et goust, tête et tes

Astuce 4 : dans la conjugaison, on met toujours un accent circonflexe aux deux premières personnes du pluriel du passé simple et à la 3ème personne du singulier de l’imparfait du subjonctif.

  • nous fûmes, nous chantâmes, vous fîtes… 
  • qu’il fût, qu’il chantât, qu’il vît

Astuce 5 : on met un accent circonflexe sur le « i » de 3 mots en -ître.

  • bélître (mendiant), épître, huître.

Astuce 6 : on met un accent circonflexe sur le « i » des verbe en -aître et en -oître ainsi que le verbe « plaire » lorsque cet -i est suivi d’un -t.

  • Il connaît, il paraîtra, il croît…

Astuce 7 : on l’utilise sur le « a » de -âtre marquant une dépréciation.

  • Bellâtre, douceâtre,grisâtre…

Bonus : les Rectifications de l’orthographe de 1990 préconisent la suppression de l’accent circonflexe sur le u et le i.

  • la chaine, la voute, paraitre, il parait…

L’accent tréma

Le tréma se place sur le ï et plus rarement sur le ë et le ü. Assez rare en français, son nom lui vient directement du grec trêma, trêmatos, qui signifie « trou » ou « points sur un dé ». On l’utilise dans les cas suivants :

  • au-dessus d’un e, d’un i dans certains adjectifs et noms commun (ou au-dessus d’un u dans l’orthographe modifiée de 1990) ;
  • au-dessus d’un y dans quelques noms propres (toponymes et patronymes) : Aÿ, Moÿ-de-l’Aisne, Faÿ-lès-Nemours, L’Haÿ-les-Roses, etc. ;
  • au-dessus d’un u et d’un o dans des emprunts à des langues étrangères dont on a gardé l’orthographe.

Il possède deux fonctions principales :

  • indiquer qu’il faut prononcer séparément deux graphèmes au lieu de les considérer comme un digramme (on parle de diérèse), donc que la voyelle doit être prononcée séparément ;
  • rendre une voyelle muette.

Astuce 8 : le tréma ë

  • aiguë, ambiguë, ambiguïté, béguë, bisaiguë, ciguë, contiguë, exiguë, boësse, boëte, canoë, foëne, maërl, moëre, Azraël, Gaël, Gwenaël, Ismaël, Israël, Joël, Judicaël, Michaël, Moïse, Nathanaël, Noël, Raphaël, Staël, Maëline

Evidemment, les trémas s’appliquant aux prénoms sont des illustrations : je ne doute pas que certains parents auront la phonétique et l’imaginaire suffisants pour pondre d’autres appellations. Vous aurez peut-être croisé au cours de vos lectures goëland et poëme, graphies archaïques mais étant acceptées dans le langage poétique.

Astuce 9 : le tréma ï

  • aïe, aïoliaïeul, amuïssement, faïencenaïf, païen, pagaïe (variante de pagaille), baïonnette, coïncider, stoïque, archaïque, haïr, ouïe, ouïr, astéroïde, maïs, paranoïa, voltaïque, laïc, Loïc, Maïlys

Astuce 10 : le tréma ü

  • capharnaüm, Ésaü, Emmaüs, Saül.

Astuce 11 : les noms de pays avec tréma

À noter que Hawaii peut s’écrire avec deux i, ou avec un tréma.

  • Azerbaïdjan, Caïman, Haïti, Israël, Koweït, Thaïlande, Taïwan et Zaïre.

Bonus : les rectifications orthographiques de 1990 du tréma

Pour montrer que le u dans –gu se prononce, l’Académie Française recommande, pour aiguë, ambiguë, ambiguïté, béguë, bisaiguë, ciguë, contiguë et exiguë, le tréma sur le u et non plus sur la voyelle le suivant.

Toujours dans la même optique, elles recommandent également les graphies à tréma crapaüter, argüer, gageüre, mangeüre, rongeüre, vergeüre au lieu de crapahuter, arguer, gageure, mangeure, rongeure, vergeure.

En espérant avoir fait la lumière sur toute cette affaire, je vous dis :
à plus tard… au plus tôt !

Rémi L.

Sources : LaLangueFrançaise, EspaceFrançais

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