Question de langue #18 – « on » ou « l’on » ?

La bourde

Juliette choisit de faire appel à un concepteur-rédacteur pour retoucher son CV et ses lettres de motivation. Après lecture du devis, elle réagit :

« Huit cents euro pour trois feuilles A4 et une question de langue ? C’est pas du tout ce qu’on avait conclu !
– C’est vrai, à la base c’était neuf cents mais vous m’êtes sympathique.
– Ce dont l’on va convenir présentement, c’est votre vie sauve et en bonus la rédaction de mes cartes de vœux. »

Hélas non.

Juliette (reconstitution), consciente de ses faiblesses mais aussi de ses forces.

La règle, ses sous-règles et des exemples idoines

Vous l’aurez compris, (l’)on rencontre souvent, au lieu du pronom ON, la variante L’ON. D’où vient ce l apostrophe et dans quel contexte faut-il l’utiliser ?

Il faut savoir que notre pronom indéfini on, qui se comporte souvent comme un véritable pronom personnel, est à l’origine un nom commun, de même origine que le nom homme. Le nom latin homo (« homme, être humain ») et sa forme accusative hominem se sont transformés respectivement en on et en homme en ancien français. Pour les germanophones, vous pourrez d’ailleurs observer qu’un phénomène analogue s’est produit en allemand avec les mots Mann (« homme ») et man (« on »).

Le l apostrophe de l’on n’est donc pas à l’origine une consonne euphonique, mais bel et bien un article défini : l’on était synonyme de l’homme en général. Au fil des siècles, ce nom on s’est transformé en pronom indéfini à part entière (désignant un individu non déterminé) et son article défini est devenu facultatif. Cette évolution pourrait se schématiser avec ces trois exemples :

L’homme est bien peu de chose.
L’on est bien peu de chose.
On est bien peu de chose.

Dès le XVIIème siècle, la forme l’on n’était plus qu’une variante facultative de on. Aujourd’hui, cette survivance de l’ancien français se maintient surtout dans des contextes où elle joue un rôle euphonique, permettant d’éviter des sonorités peu agréables.

Voici pour l’aparté historique… Les règles que je vais maintenant passer en revue sont plus ou moins bien respectées et ne sont nullement obligatoires, mais elles sont recommandées dans un français soigné.

L’ON est quelquefois préférable à ON…

1. Quand cela permet d’éviter un hiatus (suite de deux voyelles phonétiques). Le cas se présente notamment après ces mots : et, ou, où, qui, quoi, si

–  C’est un retour aux sources, si on veut. (hiatus) / C’est un retour aux sources, si l’on veut.

2. Après le mot QUE, pour éviter la syllabe malsonnante QU’ON.

– Il faut assumer ce qu’on dit. / Il faut assumer ce que l’on dit.

Cette recommandation vaut surtout quand cette syllabe QU’ON est elle-même suivie d’un verbe commençant par con- ou com-.

– Ce qu’on conçoit bien s’énonce clairement / Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. (coucou Boileau)

… Mais ON est quelquefois préférable à L’ON

1. Quand ON est suivi d’un mot commençant par la lettre L, pour éviter une allitération (répétition d’une même consonne).

– On se cultive quand l’on lit beaucoup. (allitération) / On se cultive quand on lit beaucoup.

Cela demeure vrai dans les cas présentant un hiatus, que l’on préférera toujours à l’allitération.

– C’est une famille où l’on lit beaucoup. (allitération) / C’est une famille où on lit beaucoup. (hiatus)

2. Après DONT, La suite DONT ON (le tse prononce en faisant la liaison) est préférable à DONT L’ON.

– C’est un roman dont l’on dit beaucoup de bien. / C’est un roman dont on dit beaucoup de bien.

« L’on ne saurait mieux dire » ?

Certaines personnes utilisent en effet L’ON dans d’autres contextes où l’euphonie n’est pas en cause, notamment en début de phrase (par exemple : « L’on ne saurait mieux dire »). Cet emploi n’est pas incorrect, il évoquera simplement un style recherché, littéraire ou archaïque, selon le jugement et le bon goût du lecteur.

En espérant avoir fait la lumière sur toute cette affaire, je vous dis :
à plus tard… au plus tôt !

Rémi L.

Sources : Langue-fr

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