Les langues vivantes – et notamment le français – sont loin d’être une science exacte. L’orthographe évoluant au fur et à mesure, certains mots du français se retrouvent avec deux formes, parfois même trois ou quatre ! Généralement, une graphie vieillie existe aux côtés d’une graphie moderne, cette dernière n’ayant pas réussi à chasser définitivement son ancêtre. Aussi vous propose-je aujourd’hui une liste de termes que nous pouvons écrire de différentes façons !

Quelques exemples de mots à deux orthographes
Ailloli et aïoli
Quand « aïoli » serait la version occitane, « ailloli » serait elle l’orthographe catalane. En effet, en occitan l’ail se dit « aï », alors qu’en catalan ça se dit « all », d’où les deux versions de ce même mot.
Bistro et bistrot
Les deux graphies sont apparues à la fin du XIXe siècle, à quelques années d’écart. L’étymologie la plus répandue est une adaptation du russe bystro signifiant « vite ». Selon l’anecdote, les cosaques occupant Paris en 1814 prononçaient ce mot pour être servis plus rapidement au cabaret (origine finalement écartée pour des raisons chronologiques).
Cacahuète et cacahouète
L’orthographe traditionnelle « cacahuète » est la transposition de l’espagnol cacahuete, qui signifie « arachide ». Cacahuete vient lui-même de l’aztèque cacahuatl, qui a donné « cacao ». En France, la variante « cacahouète » a été entérinée par les rectifications orthographiques de 1990, sans doute pour rapprocher la graphie de la prononciation comprenant le son [ou].
Clef et clé
L’ancienne graphie maintient le « f » muet, hérité du « v » de clavis en latin. Elle se rencontre surtout en littérature et en musique (roman à clef, clef de sol) ainsi que dans la formule « clef de voûte ». La graphie « clé », plus courante, n’est pourtant pas récente : elle date du XIIe siècle ! Elle est d’usage dans l’univers informatique (clé USB, clé cryptographique) et au sens d’« élément essentiel » dans les composés tels que « mot-clé » – au pluriel « mots-clés » – avec ou sans trait d’union.
Cuiller et cuillère
Voilà un mot qui a connu de nombreuses évolutions depuis le XIIe siècle. Jugez plutôt : culier, coller, cuillier, « cuiller » et enfin « cuillière » ! Si la graphie « cuiller » finira sans doute par être supplantée par « cuillère », elle coule encore des jours heureux dans nos dictionnaires.
Fantasme ou phantasme
Ce mot a été emprunté à la langue grecque (ph pour le son f), puis la prononciation s’est mêlée dans le processus du développement de la langue et a abouti a l’apparition du doublet phonétique.
Feignant et fainéant
Participe présent du verbe « feindre », « feignant » désignait à l’origine quelqu’un qui faisait semblant de mettre du cœur à l’ouvrage. De sa proximité phonétique avec « fainéant », il en a, au fil du temps, pris le sens.
Irakien et iraquien
Ce mot dérive d’un nom de pays : l’Irak. La graphie « Iraq », transcrite de l’arabe ou empruntée à l’anglais, tend à se répandre, d’où les variantes « iraquien », « iraqien » et même « iraqi ». L’arrêté français du 4 novembre 1993 relatif à la terminologie des noms d’États et de capitales recommande « Iraq », avec « Irak » en variante, et « Iraquien » comme seul gentilé.
Laïc et laïque
Traditionnellement, l’adjectif « laïque » vaut pour les deux genres. Exemples : école laïque, habit laïque. Mais la terminaison –que étant généralement l’apanage du féminin, on a proposé la variante masculine « laïc » (à partir du latin ecclésiastique laicus) au masculin. Exemples : enseignement laïc, devoir laïc. Le nom commun, quant à lui, reste « laïque ».
Orang-outang ou orang-outan
Ce nom est emprunté au malais (langue des îles du sud-est asiatique) orang hutan, qui signifie littéralement « homme de la forêt ». Désignant avant tout les races indigènes, c’est par erreur qu’il a été appliqué au singe par les Européens. Il s’est répandu dans la langue française au XVIIIe siècle sous la forme « orang-outang », parfois « orang-outan ». Au pluriel, les deux mots, liés par un trait d’union, prennent un « s ».
Paie et paye
Le verbe payer a produit deux noms (on parle de « déverbal ») : « paie » et « paye ». Attention, la prononciation n’est pas exactement la même : « paie » se prononce [pè] alors que « paye » se prononce [peille]. On aurait tort de penser que la forme « paye » est désuète et que « paie » est l’orthographe moderne. La preuve, l’une des chansons du rappeur Booba, sortie en 2010, s’intitule Jour de paye. En revanche, « paiement » a remplacé « payement ».
Pizzéria et pizzeria
Emprunt direct à l’italien, « pizzeria » a récemment été francisé avec un bon gros accent qui n’a pas… grand-chose à faire ici. Heureusement, l’orthographe « pizzeria » est encore largement prédominante. Vive l’Europe !
Resurgir et ressurgir
Formé à la base par le préfixe « re » accoler au verbe « surgir », resurgir ne prenait qu’un seul « s ». Cette exception à l’éternelle règle du double « s » entre deux voyelles étant assez perturbante, l’orthographe « ressurgir » – bien que pas jojo – est désormais acceptée.
Saoul et soûl (et pis soul)
Du latin satullus (« rassasié »), « saoul » était l’orthographe première. Néanmoins, « soûl » a été rapidement admis par l’Académie française… suite aux rectifications de 1990, on peut même désormais écrire « soul », sans l’accent circonflexe.
Tsar et tzar / tsigane et tzigane
Le « z » est hérité de la forme polonaise czar, tandis que le « s » provient du vieux slave cesari, lui-même emprunté au latin Caesar. Le césar, le tsar ou encore le kaiser allemand sont un même mot décliné dans des langues différentes. Dans la même catégorie, on peut citer « tsigane » et « tzigane ».
Yaourt, yogourt et yoghourt
Ce nom, désignant du lait fermenté sous l’action de bactéries lactiques, nous vient du bulgare yugurt, lui-même emprunté au turc yogurt. La forme « yaourt » est la plus fréquente en français de France, mais on emploie plutôt « yogourt » ou « yoghourt » en Suisse, en Belgique et au Québec. La graphie « yogourt » figure parmi les rectifications orthographiques de 1990 (sûrement un coup des Bulgares).
Et vous, avez-vous déjà croisé des mots à deux orthographes ?
N’hésitez pas à apporter votre pierre à l’édifice !
Rémi L.
Source : Projet-Voltaire, Wiktionnaire
Bernic, bernique ou encore bernicle
Avis aux amateurs :p