« Les histoires n’arrivent qu’à ceux qui sont capables de les raconter. »
- Paul Auster
Il s’agit d’une scène prenant acte dans une pièce. Les rideaux fredonnent à tue-tête un vieux jazz, que reprennent à leur tour les vêtements danseurs posés sur les chaises. D’ensommeillés et burinés coussins fanfaronnent depuis le canapé. Tout est coi, clos, chaud, froid.
Nous sommes en paix, empêtrés dans un calme mélancolique. Les personnages s’éteignent et s’éclairent, comme pris dans une guirlande éclectique. La question n’est pas ici de savoir contre quoi ils luttent, mais comment ils vivent.
« Et si je te dis… trois mots pour parler de ton changement d’orientation ?
– Aha, exercice intéressant ! eh bien, hmm… Salutaire. Logique, aussi, irrémédiablement. Et (silence) Solitaire.
– ça va mieux marchait aussi. »
Pelotonnée, une jeune fille dort et laisse sa vie quelques instants. Inconsciente, anonyme, le sommeil lourd, le sommeil d’un parcours, voilà ce qui se dit ; mais qui écoute encore, aujourd’hui ?… Peu importe le réveil et les directions usuelles ; ne peut-on pas, juste un court moment, se concentrer sur cette sourde douceur qui précède l’arrache et le retour ?
Le brun de ses cheveux rappelle une écorce profonde, douloureuse ; elle se perd en tourbillons au-dessus de l’assoupie, cascade sa nuque et borde ses yeux. Au détour d’un entracte, son corps tout entier resplendit, d’une beauté accalmie.
Il y a de la joliesse et de la finalité dans ces traits fatigués, comme griffonnés. En eux réside tout ce qui fait le sort d’une vie, ce qui reste et qui continue. Chaque lourde respiration est un songe, un récit palpitant. Un état dame.
Solitaire, le troisième terme.
Je ne la réveillerai pas. Ce n’est pas mon rôle ; à moi d’esquisser l’exquis d’elle ou de lui, d’en remémorer la mémoire et les essais. Tout est là, céans, prêt pour le conte : un conte de faits. D’aucuns diraient que je l’aime… mais, ne comprenez-vous pas ? Je la regarde, absolu et lumineux. Tout ceci apparaît et disparaît, sans jamais m’appartenir. Il n’y a que mes lettres, possédées.
Teckhell