« L’âme a ses brumes, ses soleils et ses chaleurs d’orages. »
- André Esparcieux
Corps,
L’eau est une ancre qui coule dans mon cœur. Ce vieux papier l’absorbe et s’en enivre tout en regardant les oiseaux qui chantent la fin des nuages. C’est leur timbre que j’ai apposé à cette lettre ; j’y ai vu une belle correspondance.
Peut-être devrais-je t’écrire plus souvent, au lieu d’attendre les filaments argent. Dès que la plume effleure les coups et les erreurs d’une vie sans autre valeur que celle, errante, que je veux bien lui prêter, mes mots cessent. A croire que je n’ai pas le souffle de ton inspiration… Ce n’est pas grave : toi et moi savons que le futur viendra. Alors, dans ton ombre dense, je danserais.
J’ai tant espéré qu’ici, aux confins, la pluie s’abandonnerait enfin. Chaque matin, je regardais le ciel comme un miroir sans tain, dans l’attente d’un éclaboussement, d’une crue aveugle et incrédule. Et, avant que la goutte s’installe, l’orage était là. Sa musique qui teinte et tapote les flaques, crépitant les sèches chaleurs de l’été, a déferlé.
Dans cette catastrophe grise-ambrée et ces zébrures d’or pur, tout se bousculait : le silence, l’accalmie, et puis la paix. Le monde se fissurait enfin, et il avait des yeux de cristal. Parmi les bris et les roulements, je retrouvais ma place de tempête parmi les tempêtes. A croire que l’harmonie a des niches singulières, que ma chienne de vie ne cessera jamais de chercher.
L’orage a continué à saccager l’aube, avant l’éclaircie finale. La terre a pleuré un jour durant, mais un jour seulement : demain finit toujours par devenir hier, au grand dam des âmes guerrières.
Je t’embrasse, dans une dernière nage contre le temps.
Teckhell