« La mer est aussi profonde dans le calme que dans la tempête. »
- John Donne
Bourdon en tête, bourbon en main, le marin de douceur s’accoude au bastingage. Il vogue, comme dans les magazines, vers un ailleurs fameux, un coma idyllique. Le fer de ses yeux fend l’horizon, qui déjà rouille son regard ; l’esthète brûlé atteindra bientôt l’atoll.
L’écume accompagne le beau lai de ses rosaces blanches et l’âpre nacre que postillonne les nuages.
Le doigt s’arrête de pianoter sur l’écran. La réalité regarde par-dessus mon épaule, avant de s’en retourner Printemps. Je quitte mon capitaine quelques secondes, les yeux perdus dans le vague.
Une jeune femme frôle mon banc ; sa bandoulière en cuir beige s’évanouit dans sa chevelure, elle me sourit. Une sensation agréable et de saison m’envahit tandis que fleurit l’inspiration.
Cela va bientôt faire deux mois que je passe mes journées à écrire dans une boîte. J’y suis stagiaire rédactologue, avant de commencer le Master en septembre. Du papier faisons paperasse… lorsque je sors de là, les yeux rieurs et fatigués, je n’ai pas vraiment envie d’écrire. Oh, bien sûr, je gribouille deux-trois lignes et je consigne de menues expressions dans un coin, mais vous admettrez qu’on ne puisse pas vraiment causer littérature avec ce genre de matériau.
Pourtant, la poésie me fait continuellement du pied.
J’aime bien me rendre au travail à pied. Les allées arborent feuilles et pétales dans le vent, j’ai l’impression de marcher sous un splendide orage vert. Bourrasques et tourbillons accompagnent les voitures dans leur routine mécanique, le long des lignes grises…
La joliesse sourde cache cependant des moments plus difficiles, où les fantômes font leur apparition. Alors, le rat des villes déchante… Oui, je dois bien l’admettre, la solitude est une piètre compagnie.
En ce moment, j’écoute mes yeux et je tais mon cœur. Ce recul, cette tempérance, tout cela me navre, pis, me nargue, mais elle est un émail nécessaire. La beauté des alentours me consume, elle est illustre ; je n’y ai pas d’endroits, aucune cache, mon individualité lentement recouverte par un monde d’inexorables.
Ni nage, ni noyade, juste une belle dérive. Un hors-sujet, hors de soi et calme plat.
‘pensif’
Malgré ce que susurrent mes murmures, je sens venir la fin des ellipses… l’appât des pas est impérieux ici-bas. Bientôt je remonterai en selle et, d’un dernier clin deuil, saluerai le passé.
Le souvenir en coin.
Teckhell