« C’est cela la tendresse, l’équilibre des gestes, des mots qui sont à la mesure des sentiments. »
- Anne Bernard
Pour écrire sur l’amour, encore faut-il avoir le cœur à ça. Rien ne me transporte pour le moment et ce n’est pas un mal : le vent n’a pas à souffler chaque jour sur la plage pour que l’on aime ses brises.
Mais ceci, ma vie, n’est qu’un amour. D’autres vivent au-dehors, et leur rare spectacle fait se rencontrer les mondes.
A l’aéroport, j’ai par exemple vu deux personnes se dire au revoir pour un long moment. L’un partait et l’une restait, cela avait quelque chose à voir avec les études. Lui voulait voir le monde et elle ne le suivrait pas maintenant. L’évidence du chagrin était palpable, pourtant… pourtant leur amour bouleversait les alentours. Ils allaient continuer de vivre et de s’aimer.
La scène se voulait presqu’invisible : elle étouffant ses sanglots et lui baissant ses yeux rougis. La parole se tut et, bientôt, ce furent des caresses tout en nuances qui firent leurs adieux au corps de l’autre. Des caresses pour consoler et protéger, des caresses pour se rappeler, des promesses à même le cœur.
Ils semblaient avoir déjà vécu longtemps ensemble, quelle que fut cette temporalité. On devinait une connivence, une connaissance, une conscience entre leurs deux essences, de celles que l’on imaginerait seulement lire. Et pourtant nous voilà, touchés à notre tour par une tendresse infinie.
Il s’en va in fine, bégayant son départ, tout embarrassé de bagages accessoires, il trébuche de regard en regard vers elle. Son amie, son amour le regarde d’abord partir debout ; puis elle s’assoit, elle s’effondre dans un puits sans son.
Je l’ai regardée se relever et partir, quelques minutes plus tard. Leurs sentiments ont flotté encore un temps dans le hall d’embarquement avant de s’estomper. Dans la poche de ma veste, je gardais la main posée sur un petit cahier de pensées et de dessins, tout juste rempli la nuit dernière par la gentillesse de mes proches. Malgré notre force et tout notre superbe, nous avons tous nos artefacts.
Mon propre départ suivit rapidement ; j’emportai ces idées et ces nébuleuses considérations pour percer mollement les nuages. A croire que les amours et les amitiés sont autant de poésies qui ne cessent de se manifester, pour peu qu’on leur prête attention et qu’on les vive…
En paix avec le monde que je venais de quitter, j’inscrivais tranquillement la première entrée et de mon carnet.
Teckhell