Juliette parachève son courriel à Pôle-Emploi. Elle a opté pour un style décontracté mais volontaire :
« Et surtout, n’hésite pas à me recontacter, des fois que tu aies du boulot pour moi. Sinon j’te casse la bouche à coups de formulaire. Ou de banjos. Des fois j’hésite. »
Hélas non.
Juliette (reconstitution), insensible aux locutions conjonctives et aux complications judiciaires.
Quelques semaines après leur dernier entretien, Pôle Emploi recontacte Juliette. Son conseiller lui a trouvé un job alimentaire idéal : table de ping-pong. Elle utilise son droit de réponse :
« Cher conseiller,
Votre réponse tardive est à la hauteur de mes espérances, merci pour m’avoir trouvé un tel job. J’aurais cependant une question : dois-je investir moi-même dans le filet ou sera-t-il délivré par la société ?
Bien cordialement, espèce de va-nu-pieds !
Juliette Cétéra »
Hélas non.
Juliette (reconstitution), réalisant qu’elle va arrêter de remercier quand elle se fait carotter.
Par une curieuse distorsion temporelle, on vous demande en novembre comment se sont passés vos congés estivaux. N’en ayant pas pris mais souhaitant rabattre le caquet et l’outrecuidance de votre interlocuteur, vous baratinez :
C’était / c’étaient de super vacances ! J’étais avec des copines, c’est / ce sont elles qui ont tout payé et après j’ai gagné au loto deux fois sans les mains.
Au moment de lui répondre, vous vous rappelez cependant que cette personne est professeur de français… Indécis(e), vexé(e), contrit(e), vous vous contentez d’un « ça va c’était cool » en regrettant de ne pas travailler au Club Med.
Le saviez-vous ? Cette réplique post-faute d’orthographe figure parmi les plus déplaisantes jamais entendues.
Cérémonie de remise de diplômes, on demande à chacun de s’exprimer sur ses meilleurs moments passés sur les bancs de l’université. Vous avez déjà l’anecdote en tête :
« Je me rappelle très bien ce moment / dede ce moment : nous étions en train de bizuter un cochon d’Inde quand, soudain, Pat’ l’autruche s’en est mêlée… Tu te souviens / te souviens de l’endroit où on l’a enterrée, Jackie ? »
Hésitant et ne souhaitant pas passer pour un cornichon, vous préférez parler de la fois où vous avez vendu l’université sur LeBonCoin.
Souhaitant actualiser sa situation, Juliette prépare un courrier à destination de son conseiller Pôle Emploi. L’écriture est directe, l’argumentation parfaite et il ne lui reste plus qu’à remplir les derniers champs de sa lettre. Enivrée par sa rhétorique, la belle et chômeuse jeune femme tapote au clavier « à l’intention de M. Harry Cover » avant d’aller se faire un chocolat chaud.
Hélas non.
Juliette (reconstitution), arguant que c’est l’intention qui compte et qu’elle reconnaît avoir des troubles de l’attention.
Nous accordons sans trop nous poser de questions la phrase « Juliette s’est rendue à Pôle Emploi. ». Et immédiatement après, le même accord nous vient pour « Juliette s’est renduecompte de son erreur. ».
Hélas non.
Kermit, en sa qualité de masculin singulier, ne s’était jamais posé la question.