Annecy You Again

28.08.2020 – Retrouvailles que vaille

Vendredi matin. C’est en vainqueur que j’embarque dans mon petit bout de TGV, les reflets de la pluie pour seuls éclats. Ce WE de trois jours est inespéré au vu du contexte et de nos trains-trains respectifs. La pandémie s’ajoutant à la hotte de l’âge adulte, voilà qui augurait une donne kaput ! Mais des âmes audacieuses (Thomas, Arnaud, Nina) parsèment notre effectif, et contre toute attente une alternative fit fi des tyranniques logistiques de chacun. Certes nous ne partions plus une semaine, mais nous nous retrouvions quand même. La destination prenait presque des airs de refuge, à considérer nos moyens de locomotion (un bus, deux trains et deux voitures) ; la chose prenait même une envergure internationale avec un Nono nous arrivant d’Allemagne. Il fut d’ailleurs le premier d’entre nous à atteindre la ville de bon matin, attestant au passage de la morne météo qui nous était promise depuis déjà plusieurs jours. Quitte à attendre quelques heures le second de cordée, le bon docteur se lança à l’assaut de la ville ; les photographies qu’ils semaient en chemin sur Messenger donnait le ton – voire la couleur – dans un bleu blanc gris auquel la Provence ne nous avait guère habitué.

À peine arrivé, un ascenseur émotionnel : Nina ne sera pas des nôtres, accablée de fatigue et de doutes dans cette période pandémique. Son concours déterminant à ce séjour ne restera pas vain, aussi nous recentrons-nous après lui avoir souhaité un prompt rétablissement : il y a des courses à faire ! Deux jeux de société s’ajoutent à la besace, avant de s’atteler à quelques achats d’appoint. Enfin, histoire d’attendre les zozos, Arnaud et moi prenons un pichet de Nonne à une brasserie non loin des AirBnB. La ville quoique sous les flaques offre par ailleurs un premier aperçu charmant, avec son centre historique plutôt préservé et ses drôles de canaux.

Revenu à l’appartement, c’est patiemment que nous attendrons un à un les compagnons de voyage : Claire, Sarah, Olivier, Juliette, Edouard, JC et Thomas. La fatigue du voyage est là mais une certaine tchatche aussi, et c’est joyeusement que les heures s’écoulent passé minuit. Ressasser le passé, commenter le présent, évoquer l’avenir, histoire de coexister à nouveau le temps de quelques mots.

Au moment de se coucher, demain est déjà dans le coin – et les intempéries aussi. L’incertitude règne quant à l’articulation de cette journée pivot. Le harassement l’emporte toutefois : attendons d’être remis sur pieds pour décider comment se dégourdir les pattes !

29.08.2020 – Gras des villes, gras des champs

Le samedi matin est principalement dédié à l’engloutissement du petit déjeuner et à diverses spéculations météorologiques : louer ou ne pas louer ces fameux vélos autour de ce fameux lac ? L’alerte orages et notre incapacité à nous projeter comme paratonnerres ont raison de nos velléités : marchons, mes bons ! Muni d’une carte de la ville, la troupe repue se met mollement en route ; déboutée à l’entrée du musée, elle traverse le centre-ville jusqu’à atteindre l’un des ports de plaisance. L’eau lacustre dévoile alors toute sa transparence face à nos regards vitreux. Sous la pluie, les discussions vont bon train et ne se soucient guère du paysage : le décor semble en effet absorbé par le brouillard et la bruine. En guise de fond sonore, nul chant d’oiseau ou même de quelconque sirène en villégiature ; simplement l’averse et son crépitement par à-coups sur les flots. Nos masques esquissent eux aussi quelques remous, laissant à nos voix et aux hauts du visage la lourde charge de l’expressivité. Un spectacle qui ne fera pas long feu face à la pluie puisque nous succombons rapidement à nos appétits – décidément bien en forme ! Or donc, à peine le temps de prendre le large que nous échouons dans une brasserie ; sous ses atours et sa carte impersonnels, celle-ci semble tout à fait disposée à suspendre momentanément notre mascarade. Au terme des échanges, des mastications, puis de quelques courses alimentaires (!), une partie d’entre nous décide de s’incliner face au climat maussade et de poursuivre la digestion au camp de base pendant que les plus intrépides sillonneront les échoppes alentours. On trouve dans celle-ci un agglomérat de marchandises plus ou moins inspirées, la charcuterie le fromage et l’alcool trustant les rayons : crème de cassis, saucisson, tome de beaufort, genépi… c’est pourtant du non alimentaire – en l’occurrence un opinel – qui constituera le seul achat de l’après-midi, avant que le groupe ne se reforme dans l’appartement. Le jeu de société « Tu te mets combien ? » (TTMC) vient tout juste d’être inauguré, aussi répartit-on les retardataires dans l’une des trois équipes. Dans le plus grand des calmes, c’est aussi au tour des biscuits apéro’ de faire les frais de l’appétit insatiable de l’effectif. Reposant sur des mécaniques de quiz, TTMC rudoie notre culture générale : Juliette et consorts butent sur une fedilla, tandis que l’équipe de Claire sont mis à mal par un calembour mexicain – (« le pont de Cho ») ; dans un joyeux bordel, tout un chacun en vient à critiquer la stupidité tout en doutant de sa propre intelligence… Diantre. Seule issue à cette paranoïa intellectuelle ? la confection d’une tartiflette, anachronisme aoûtien dont la fulgurance n’a décidément d’égal que la roue-libre diététique de ce WE. Thomas se charge de l’habillage sonore de cette nouvelle étape de la soirée – le temps semble lui aussi bien dilaté – avec une programmation initialement discrète puis graduellement outrecuidante quand il s’agira de troller OKLM. C’est que la discussion est aux films, séries, concerts, artistes et autres albums : vous et moi savons que les choses dérapent facilement en de telles occasions. Ce samedi 29 août ne dérogeant pas à la règle, il connaît donc son lot de différends irréconciliables, avec une thématique 90-2000, pour le plus grand bonheur de Spotify et de l’enceinte Bluetooth. Quelques corps se chaloupent au fil des morceaux, mais la fatigue et la timidité prévalent : progressivement, les convives se retirent pour laisser place aux seules émanations du dîner passé, consommé – et relâché. 

30.08.2020 – Diaspora, par amour du goût

Le dimanche matin n’est pas marqué du sceau de la tranquillité : outre les pluies nocturnes, c’est dans la plus grande décontraction que les acteurs du marché ont choisi de déballer leurs affaires d’une voix forte et claire… Erf. C’est donc piteusement que nous nous levons, le temps d’expédier les affaires courantes (vaisselle, ménage, affichage des préférences radiophoniques) afin de laisser dans un état raisonnable et dans le respect des délais ce refuge qui déjà nous échappe. Pari tenu, merci-au-revoir, nous nous retrouvons maintenant à gravir la rampe d’accès jusqu’au Musée-Château, résidence des comtes de Genève et de la maison de Savoie ! Si le tarif (3 euros plein tarif) nous déconcerte, nous comprenons rapidement la nature du guet-apens : le lieu est pauvre en contenu, et ce qui est exposé semble d’une fadeur à pleurer… Affichant un stoïcisme implacable face aux périssoires et autres montes, nous esquissons malgré tout un sourire lorsque nous retrouvons certains termes du jeu de la veille dont nous nous sommes pris d’affection – l’herminette et la serfouette pour ne pas les nommer. Un revival nineties embaume les salles d’exposition, alors que nous atteignons un étage consacré à la faune empaillée. Entre deux hérons, Olivier et Thomas changent leur fusil d’épaule et guette les pépées locales. Dieu merci, nous achevons la visite de cette aile et marquons une pause au niveau des remparts du Musée-Château. Ces extérieurs ont pour eux d’offrir un chouette panorama sur les toits de la ville, donnant au tout des airs de mosaïque. Par la suite, ni la boutique ni la salle des découvertes archéologiques ne satisferont l’équipée… il faut dire que le bilan semble maigre, et qu’une tuile – même du IVème siècle – reste une tuile. Défaits et à court d’idées, nous nous mettons en chasse d’un ultime lieu où faire bombance. Avec le souci du terroir qui est le nôtre, nous échouons donc dans une crêperie bretonne… Quelques bouteilles de cidre, un peu de grêle pour que fraîchisse le déjeuner, et nous voilà pour la dernière fois attablés ici à Annecy. Une ville fugace, dont Claire et Juliette se souviendront notamment de par sa compatibilité manifeste aux paiements par tickets-restos. Une ville qui nous a permis d’oublier quelques heures beaucoup de choses des mois passés, et sûrement deux-trois trucs de ceux à venir.

L’après-midi tourne court, car je suis le premier à partir en train. Deux équipages (voiture) suivent rapidement… Reste Nono, imperturbable usager du FlixBus. Le groupe n’est plus, mais les échanges se poursuivent : on songe à l’après, aux prochaines vacances, au soulagement qu’a été le moment présent… Une opinion à laquelle je ne peux que me ranger : aussi laborieux fut ce cru 2020, le désir d’ensemble aura prévalu.

Alors, Tu Te Mets Combien… en Annecy ? Pas beaucoup, et tellement pourtant.

Merci les amis, et à l’année prochaine pour un nouveau récit.

Rémi

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