L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.
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“Rien ne se crée, rien ne se perd, sauf peut-être mon papa. Aujourd’hui que puis-je espérer d’autre, que de le garder au fond de moi ?”

L’enfant marque une pause avant de poursuivre sa rédaction. Le silence par-dessus son épaule, il craint que les mots n’aillent pas plus loin. Pire, qu’il poursuive seul son chemin. Oui, oui, il sait bien que la famille n’est pas loin ; et il y a les amis, aussi. Ces derniers jours, leur bienveillance s’est agglutinée, pour répondre à une terrible béance. Loin s’en faut : l’heure est au mortifère, et l’oubli prendra son temps.
L’enfant enrage devant ses mots, d’ordinaire si capables : ne le suivront-ils pas jusque dans la douleur ? Il a besoin de leur fidélité, de leur justesse, qu’ils témoignent et qu’ils célèbrent ! Pure perte : le rédacteur reste face à l’écrit vain. Il songe alors à convoquer de vieux souvenirs, à partager toutes ces anecdotes qui témoignent avec pudeur d’à quel point ils s’aimaient sans même y penser. Oui, ce pourrait faire l’affaire.
Si seulement il savait les raconter comme son père.
Airelle x Zaromatt