L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.
*
Ma foi, le soleil est bien plus agréable quand les touristes s’en éloignent ! Du moins, c’est ce qu’en dit Dupré, un ours adepte de la tranquillité. So long les British, ciao les Italo, et à jamais les Français ! Ne reste sur son domaine que quelques bergers, dont le lent va-et-vient le long des alpages le berce tandis qu’il compte leurs moutons. Ah, comme cela lui a manqué ! Mais il ne faut pas aller trop vite en besogne… une bonne sieste, ça se mérite. Dupré visualise déjà l’endroit idéal : un bout de vallon avec vue sur le cheptel. Il n’aura plus qu’à s’allonger sur un tapis d’herbe encore moelleuse, à côté de cette souche sur laquelle il aime tant se faire les griffes… et les groseilles pas loin, mamma mia… L’ours se laisse ainsi aller, rêvant farniente juste avant de déchanter : quid de l’oreiller ? C’est qu’il n’a plus ses cervicales d’ourson, le vieux bougon ! Qui plus est, le duvet Quechua subtilisé plus tôt à des randonneurs est resté à la grotte…

Nom d’une mouche à miel ! Dupré se vexe mais ne s’avoue pas vaincu : quelques branches de pin devraient suffire. Si l’on peut douter du bien-fondé de cette astuce, l’ursidé n’en a cure et quelques instants plus tard, ressort de la forêt en traînant un pauvre sapin fou- droyé qui n’avait rien demandé. Dupré, n’ayant ces dernières années rien traîné d’autre qu’un vieux rhume, galère. Il s’efforce toutefois : un peu, beaucoup… du moins suffisamment pour que son dos finisse par se kéblo.
Le pauvre ! Spectateur devenu spectacle, ayant péché par le pin… Si les bergers sauront faire preuve de compassion, m’est avis que dans le troupeau une brebis plus proverbiale que les autres conclura, narquoise : “comme on fait son lit, on se couche”.
Airelle x Zaromatt