Archives mensuelles : janvier 2021

Airelle x Zaromatt – S02E12

L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.

*

La vocation de papillon n’est pas propre à chaque chenille. Prenons Vanessa : à rebours du bel avenir que l’on lui promet, la larve s’est attachée à son corps, à sa lenteur… Ce n’est pourtant pas faute d’observer les consoeurs émerger de leurs cocons, mais Vanessa n’a pour ces “pétales de pacotille” que du désintérêt. Vous vous en doutez, les choses sont un brin plus compliquées, et il y a certainement dans ce cœur têtu un peu de peur… Mais pas que : la chenille a les pieds (et les ventouses) sur terre, et entend mener sa propre métamorphose ! Il lui faudra pour cela une formidable énergie, elle le sait : dès lors, Vanessa croque, grignote et ingurgite pendant des jours. La tâche est ardue et les moqueries amères, pourtant et patiemment une chrysalide finit par voir le jour, de laquelle Vanessa ne sortira que bien, bien, bien plus tard…

Entretemps, tout le monde finit par oublier cette larve revêche qui faisait douter tout le monde, même les monarques : “l’évolution oui, la révolution non !”. Chacun poursuit donc son petit bonhomme de chemin, jusqu’au jour où la terre se met à trembler et l’enveloppe se déchirer. Ventouses et mandibules s’agitent en tout sens, que se passe- t-il ? Une forme blanche émerge, puis deux, vient ensuite ce qui ressemble à peine à une antenne… nom d’un scarabée, la colosse que voilà ! De toutes nouvelles proportions s’offrent désormais à Vanessa qui, entre deux barrissements, déploie enfin ses ailes.

Airelle x Zaromatt

Airelle x Zaromatt – S02E11

L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.

*

La nuit a toujours eu du chien, même qu’il s’appelle Emilien. C’est le genre de clebs que je croise quand j’ai du sommeil en retard, l’oeil morne, les idées noires : il débarque, renifle, inspecte – comme tout cabot qui se respecte. En plus ça m’évite de continuer à causer tout seul. Parce que j’ai beau parler, parler, parler, ça s’évacue quand même plus vite aux WC. Oui, heureusement qu’Emilien est dans le coin. Tout comme mes parents, j’ignore ce qu’il fout de ses journées, mais lui au moins il est pas là pour être ici, si vous voyez c’que j’veux dire. Comme je sais pas d’où il vient, au juste, ben quand il se pointe je lui raconte le virus, le bazar, comment tout est devenu bizarre – il pense comme moi. Emilien semble un gars sûr, alors j’ai fini par lui avouer que j’avais les chocottes : celles dont on parle pas, même sur les réseaux sociaux avec une jolie typo. En fait, je crois que je me pose trop de questions et que je me fous des réponses. Moi c’qui m’plairait, c’est de prendre mes skis et de skier loin, loin, tellement loin d’un paquet de machins et d’une floppée de gens. Mais Emilien pense que c’est pas un bon bail, alors on discute d’aut’ trucs qui me plaisent et que je trouve plutôt balèze : les robots, les torrents, la couleur jaune… là-d’ssus je suis incollable mais je prends bien le temps de lui expliquer doucement, parce que j’ai aucune idée de la mémoire d’un chien – faudrait que je demande à la maîtresse sur Zoom – et que je n’ai pas envie qu’il s’ennuie et s’en aille. J’peux tenir des heures, mais pas trop je crois car quand le soleil est de retour aucune trace du cabot… bien sûr j’suis triste, mais un peu moins que la veille : souvent j’ai des tas d’idées et de projets pour le reste de la journée ! et ça c’est cool, enfin je crois.

Airelle x Zaromatt

Airelle x Zaromatt – S02E10

L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.

*

Comme à l’accoutumée, le couple ne fera que se coucher. En ces heures automnales, ils ne pourront compter sur le crépuscule et ses lueurs pour se réchauffer le coeur… sans oublier le rideau métallique qui, déployé, met un terme à tout horizon. Dans la chambre annexe, un être connaît le sommeil et ses premiers cheveux crépus. En émiettant leurs vêtements, les peaux de l’une et l’autre s’apparentent à autant de ceintures et de bracelets qu’elles ne portent plus.

Leurs corps ont-ils tant changé ou bien pas vraiment, voilà une question qu’elles ne posent plus depuis longtemps. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été heureuses, à croire que ce ne fut pas suffisant. Parmi les amis du couple, on suggère une liaison, une blessure suite à l’adoption ; d’un commun accord ils prennent leur distance, se gargarisent de leur considération. À force d’évoquer leur propre vertu, ils en oublient ces deux femmes sans histoire qui désormais, relèvent de l’inanimé. Comme à l’accoutumée donc, le couple ne fera que se coucher ; l’enfant, lui, rêvera pour trois.

Airelle x Zaromatt

Airelle x Zaromatt – S02E09

L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.

*

J’ai un chien qui lui a des peluches qui elles ont la vie dure. À force de bagarres imaginaires avec ces créatures sans défense, l’usure devient intenable ; l’on n’attend alors que le dédain du toutou pour abréger leurs souffrances.

Généralement, je leur confère une seconde vie en les déposant en des lieux de villégiatures, chez la belle-famille ou les grands-parents. Ainsi existe-t-il un lieu normand où s’amoncellent différentes versions d’une même peluche, répondant au (dou)doux nom du “cimetière des éléphants”. il n’est pas rare que la chienne, lors de ses villégiatures, renoue avec ses victimes du temps jadis, à grands coups de succions. Comme si elle prenait désormais garde à leur usure, et souhaitait que cette espèce menacée jamais ne disparaisse.

Airelle x Zaromatt