L’illustratrice Zaromatt et moi-même menons un petit jeu créatif : simultanément nous nous envoyons un texte et une illustration, et nous donnons quelques jours pour apporter notre propre inspiration au contenu initial. Le tout sans se concerter, pour créer plus librement.
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Comme chaque matin, Gauthier prend place dans son atelier et s’asseoit après quelques boitements. Quelques-uns de ses oiseaux l’y ont précédé, piaffant inutilement leur impatience : en effet, Gauthier est aussi sourd que les pots qu’il fabrique. Cela a toujours été ainsi, et il a fini par prendre le pli. Bien sûr, ce n’est pas tous les jours facile, mais le vieil homme n’a jamais connu que sa propre mélodie. Alors il prend soin de ses autres sens : il lit souvent, jardine un peu et mange beaucoup. Mais ce que Gauthier préfère par-dessus tout, c’est son métier. Avec la sieste, c’est le seul moment où il s’autorise à fermer les yeux, pour laisser ses mains seules avec l’argile.
Posée sur la tournette, la matière reconnaît l’homme : cela fait des années qu’ils se modèlent l’un l’autre. Le potier l’hydrate et la caresse, avec ses doux gestes. Il veut lui donner une silhouette, une contenance… Ce vase sera pour sa petite-fille, qui s’inquiète si souvent quand ils se voient ; ainsi pourra-t-elle y déposer ses soucis ou d’autres fleurs.
Les “cui-cui” restent cois, et l’on n’entend que Gauthier dans l’atelier. Il leur fait l’effet d’un colosse… un colosse au pied d’argile.
Airelle x Zaromatt