Archives mensuelles : juillet 2019

Acte de présence

L’après-midi et son aride arrière-goût empâte ma bouche, tout occupée à apaiser ma chienne. Bien que l’eau piscinale soit claire, cela reste une première… entre crainte d’un bizutage et curiosité enfantine, Guinness finit par coopérer. Elle effectuera quelques largeurs – à défaut de longueurs – là où elle a patte, le tout dans un silence papal. Trop ému par son adorable solennité, j’obtempère. Ce moment, désuet, est l’un des rares que j’ai récemment et véritablement vécu. La plupart du temps, je me contente de donner le change, partagé entre l’inertie et l’incrédulité face à un quotidien majestueux. « Une autre manière de ne pas se mouiller ? », souris-je intérieurement. Peu importe : le chien barbote.

Au bout de quelques va-et-vient, le toutou s’immobilise, écartelé entre la fraîcheur de la nouveauté et l’imbibition de ses petons. Voyant qu’elle n’était pas près d’aller plus loin, je la récupère dans mes bras ; ensemble, nous nous éloignons progressivement au profit du bassin. La bête aplatit prudemment son museau sur mon épaule, patine, soupire, et se détend. Fort bien : je peux enfin bercer ce petit corps, et vivre l’accalmie. Quelque part entre le ciel, l’eau et le sol, je m’ouvre et me confie, comme libéré dans un écrin de chlore. Mes pas décrivent des tourbillons à la lenteur alanguie, l’oubli me gagne ; nous pourrions rester là longtemps.

Pourtant, Guinness ne partage pas cette ivresse. Une angoisse sauvage finit par la rattraper, et ses griffes n’en finissent plus de me repousser. De guerre lasse, je relâche son corps dans la piscine et ses bords si lointains. Suffocante, la chienne se fraye un chemin ; tant pis pour la vie ondine, elle redevient ragondin. Je raccompagne patiemment sa lutte, veille à son axe, soulage ses efforts. Sa détresse l’accapare, elle ne peut me rendre la pareille : ma brisure restera intacte, alors que je m’apprête à regagner les terres fantômes.

Airelle

Cahin-caha

Ce matin, alors que je sortais promener ma chienne, j’ai croisé des nuages. L’aube estivale semblait particulièrement inspirée, et le spectacle du jour a ranimé chez moi des émotions adolescentes. Pourtant, il ne s’agissait que de peluches, des moutons gris et épais ; mais la lumière qui les ceignait… ah ! Le terne face à l’éternité, quelle si jolie allégorie. Tandis que je devisais avec la bête des termes qui siéraient à une description, je fus bientôt rattrapé par une question idiote mais récurrente : pourquoi avoir arrêté d’écrire ?

Cette question, je me la suis posée pas mal de fois en deux ans, et j’aurais tout un tas de raisons à convoquer conséquemment ; pour autant, il faut savoir dissocier les explications des excuses, les états des postures. Que reste-t-il, alors ? qu’y a-t-il, en moi, qui fait si peu de bruit ? Eh bien, ce matin, mon esprit s’attarda particulièrement sur le motif de la carrière ; un endroit poussiéreux à la roche attaquée, où se disputeraient petits cailloux et dalles travaillées. Un endroit où j’incarnerai à la fois la main d’oeuvre et la matière, toutefois désert. La souffrance prend ici la forme de l’érosion, à laquelle le temps donne son assentiment.

Vivre ou (se) laisser mourir : je suppose qu’aujourd’hui, on en est là.

Le fait que j’écrive ces lignes, et surtout que je le veuille, devrait vous donner un petit indice sur la voie que j’essaie céans d’emprunter. Mais quelle finalité est ici visée ? Eh bien, j’ai par le passé pu écrire pour communiquer, troubler, séduire, choquer, amuser, célébrer, ou encore survivre ; je cherchais alors à atteindre l’autre, à provoquer une interaction. Aujourd’hui, paradoxalement, je me montrerai plus introspectif : voyez-vous, cela fait bien longtemps que je ne fais plus attention à moi. À force de déconsidération et d’oubli, en dépit des efforts d’autrui, j’ignore beaucoup de ce que je suis devenu. Pour preuve, ce régulier dialogue avec mon subconscient :

"Qu'est-ce que je suis ?
- Qu'est-ce que j'en sais ?"

À sa création, le but premier de ce blog était de produire des contenus pour augmenter ma visibilité en tant que rédacteur freelance ; ce ne sera plus le cas (bye bye Urssaf), et la ligne éditoriale évoluera en conséquence. Par ailleurs, pour quiconque lirait ces lignes et s’enquerrait de la suite : en dépit du chemin solitaire auquel je me prépare, il ne sera pas silencieux. Certains contenus pourront favoriser les échanges et les réactions, et je m’y prêterais alors volontiers.

Alors voilà, on va parler, on va verbaliser. Tant pis si mon écriture accuse quelques courbatures : l’échec n’est jamais qu’un essai qui s’ignore, et l’enjeu mérite une tentative.

Pour le reste, comme disent les opticiens : nous verrons bien. À très vite.

Rémi