« L’avenir contient de grandes occasions. Il révèle aussi des pièges. Le problème sera d’éviter les pièges, de saisir les occasions et de rentrer chez soi pour six heures. »
- Woody Allen
Août kaput s’étire puis se retire… adieu zéphyr. Sur son passage, quelques volutes d’été s’émeuvent avant que les jours ne se déversent dans le fleuve. Le soleil bientôt brillera par son absence, ce qui nuit à nos affaires.
“nos” ? t’évoque-je, lecteur ? aha, je crois bien que non. Mais alors, que vient faire ici ce singulier pluriel ?
Tout un chacun reconnait volontiers une petite part d’ombre tapie non loin. Un ennemi intime, que l’on blâme et que l’on brime dans le jeu (quelquefois ridicule) des crépuscules. Je ne déroge certes pas à la règle, mais j’avais en tête une autre bête noire. Une araignée.
Depuis près de deux ans, elle accompagne mon quotidien. Du matin satin aux derniers rets de lumière, elle m’épie sans jamais franchir la fenêtre… je me suis souvent demandé que faire de cette bestiole et de ses babioles. Après quelques pensées, je finis toujours par me raviser et suspends mon geste… La devise est facile, lorsque l’on observe cette drôle de constante : on refait le monde, relativise, métaphorise à outrance ! nous voilà démiurge, sévère et attentif à cette danse ès toiles qui n’offre jamais le même spectacle…
Au fil de l’écriture nous nous partageons la tâche. Elle, cerclant mes mots bigarrés d’un dessin léger ; moi, distillant son aviné venin dans la superbe… Ah ! l’art poétique, ce décorateur d’intérieurs !
Cela fait quelques temps que je n’avais pas écrit, posé mes pensées. Ce n’est pas qu’il y a moins de choses à dire, au contraire. Peut-être plus de choses à simplement vivre et ressentir, tout simplement.
Cela a étrangement coïncidé avec la disparition de l’araignée. Seule demeurait sa toile, qui sans cesse se débattait tandis que s’ébrouaient les bourrasques. Le piège à l’abandon, qu’est donc devenu son Abaddon ?
Ce qui me plaisait chez cette arachnide, c’était ce subtile équilibre entre patience et faim… De prime abord, cette fenêtre et ce rebord n’ont rien d’un théâtre des opérations. Et pourtant, pendant des jours et des jours, elle défile et s’entortille, bâtissant à chaque fois un nouveau flocon de soie. Nulle chasse, nulle traque. En douceur, les pattes dont j’imagine le calme cliquetis glissent et tissent tout un arc narratif, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la proie.
Aha, il ne fait pas bon rester Place Mygale…
Tandis que j’en souris, la brise soulève les pages d’un livre commencé et jamais fini. Le vent s’époumone, caresse quelques chapitres et marque une pause. Non loin de là, un insecte qui papillonne vient se ficher dans l’arabesque. Les fibres vibrent, c’est fini.
Tandis que lacèrent les chélicères, je songe à d’autres desseins laminés. C’est une petite araignée, une petite victime, tout se déchire sans bruit. Par chez nous… eh bien, c’est peu ou prou la même chose à vrai dire.
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Cet été, quelqu’un a quelque peu bouleversé mes plans. Appelons-la la Fraise Déboire.
Piégé dans la toile de l’araignée, l’avenir a un petit goût sucré.
Le destin se hasarde, peut-être ira-t-il à notre rencontre, peut-être pas. Nul ne sait ce qui donne la couleur aux nuages. Rouge, un peu ivre des joies alentours ? Azur, dans un ciel de roses ? Un jour l’on fera la lumière sur toute cette affaire. Mais pas maintenant, non. Pas maintenant.
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Et tandis que dans ma vie se succède le jeu des poussières, s’échappe un murmure:
“Toile du soir, espoir.”
Teckhell