Archives mensuelles : septembre 2012

Phare Ouest

« La seule signature au bas de la vie blanche, c’est la poésie qui la dessine. »

  • René Char

Petit, j’aimais beaucoup l’odeur du feu de bois. L’écorce qui crépite, la branche qui se fend, tout ça. Nous étions enrobés de chaleur tandis que la fumée s’élevait avec paresse. A ce moment-là, j’avais l’impression que le monde entier brûlait, se consumait de bonheur.

Quoi de plus compliqué qu’un plaisir simple ?

Plus jeune, je glorifiais le passé, enterrais présent et futur, vivant une perpétuelle fin des temps. Mon humeur était morbide, exister aujourd’hui après hier, exister face au silence de la vie… Étrange et sourde souffrance. Je suppose que l’errance est humaine.

Maintenant, les choses ont changé. Un glissement, une évolution, rayer les mentions inutiles. J’ignore encore comment, je me suis sauvé. J’essaie de vivre, de me faire plaisir. C’est pas tous les jours facile, mais je crois que j’ai pigé le truc.

Je continue de regarder le passé, des fois. Il est lumineux, aveuglant, comme la mort d’une étoile.

C’est assez beau un carnet de notes. On retient, on souligne ; des arrêts sur image, inlassablement. Sur le moment, on ne fait pas tellement attention à ce qu’on écrit mais plus tard ces lignes revêtiront un tout autre enjeu. La mémoire, c’est un peu ça. On a du mal à se relire, et quelques notes sont plus importantes que d’autres.

Le souvenir commence par un pin, un pin dont les racines courent doucement le long des dunes. En face l’océan. Les plages sont blanches, très claires. Le ciel a le bleu du torrent. Il n’y a personne d’autre. Sur quelques monticules, les herbes se réveillent, le cheveu hirsute. Le vent réveille le monde, glissant le long des vagues. Devant nous, l’océan, absolu, sur lequel règne un horizon azur.

Le sable est si blanc, si beau… une branche brûle timidement, et ses cendres se fondent dans le sablon. Je me sens bien. Pas à cet instant précis, non. Je sais juste que… tout finira bien. Il n’est plus question de tenir, de survivre. Il est question de s’évanouir… se sauver. La vie vaut le coup de se sublimer, la beauté de se célébrer, encore et encore.

Tout comme nos yeux tiennent tête aux flammes, chaque jour je perce la lumière.

Teckhell

La drôle de guerre

« Tu vas et tu conquiers la terre de l’ennemi. Alors l’ennemi vient et conquiert ta terre. »

  • proverbe sumérien

La guerre commence. Les combats seront longs, ou pas.

Après la surprise, vient la hargne. La colère de tout, la violence absolue. On donne tout, on se dépasse, on se hait. La lutte découvre de nouveaux empires quotidiens, des défaites et des victoires dont l’on ignorait tout jusqu’alors. Exister devient vertigineux.

Il est important de soutenir le regard, toujours. L’autre ne doit pas savoir que vous n’êtes plus qu’une ombre. Il doit y avoir un gagnant et un perdant.

Quelquefois, des actes de bravoure : la folie juste. Quelquefois, une succession de silences souffreteux. Ça dépend des jours. La guerre finit par évoluer, et lentement on oublie, on meurt un peu.

Les échauffourées se succèdent, et les copains tombent. Le plus souvent, des balles perdues : dans la mêlée, les soldats ne visent même plus. C’est triste, c’est dommage, ce n’est pas juste. On ne se le pardonnera jamais ; alors on reprend les armes, et peut-être même qu’on les vengera. Une souffrance pour une souffrance, sans justesse.

Le plus souvent, on préfère perdre la raison. On rit, on déconsidère… Et puis on pleure. Ça dépend des jours. C’est nécessaire d’oublier les dégâts, un peu.

L’armée peut être victorieuse. Des noms peuvent être retenus, des batailles sublimées. Mais rien, non rien ne comble l’abîme des cœurs. L’après est comme dépouillé, au milieu des pertes et profits.

Mon père m’a dit un jour : “Il n’y a rien de pire qu’une guerre civile. On ne devrait pas… Non, on ne devrait pas s’affronter dans son propre pays.”. J’étais jeune, je ne me rappelle plus s’il y a une suite.

Teckhell