Archives mensuelles : juillet 2012

Noël en juillet

« Le bonheur est un festin de miettes. »

  • Jacques Faizant

Au départ il y a une course. Une belle course. Et puis l’horizon, le fond, l’oubli. La ligne d’arrivée. Les acmés, ces émois superbes, traversent tantôt nos vies et les soulèvent, les extirpent. Nos problèmes, nos galères, notre chemin… Ça n’y a pas sa place. Tout s’évanouit dans la blancheur assoupie.

D’aucuns diront que la vie est une gueule de bois, et qu’après l’acmé, il ne peut y avoir que le drame. Un drame intime, presque déchirant, qui parlerait de vide et de grandeur.

L’amour est un luxe de nos jours. C’est une période de désirs. Des désirs rapides, fugaces, auxquels on croirait presque.

Une fête, près d’une piscine, quelqu’un. Elle sort de l’eau, femme, et se délasse inlassablement. Des gouttes distraites perlent sur son corps. Tout semble étrangement beau et à sa place. Ailleurs, ce sont deux amies, pelotonnées dans un hamac, qui dorment paisiblement. Un peu plus loin, une jeune fille rit et sourit à une blague sans saveur. Tout semble étrangement beau et à sa place.

Certains souffrent de ne pas voir la mer. Ils en ont besoin. Amusant, j’en ai toujours voulu à mes parents de m’avoir enlevé au goudron parisien, pour cet exil au soleil. Je ne supporte pas cette chaleur, cette lumière…

Quand j’étais jeune, une fois par an environ, nous allions vers l’océan. L’horizon était brumeux, frais, et souvent la pluie résonnait. Puis il y a eu le malheur, et nous n’y sommes plus retournés. Récemment j’ai appris que mes grands-parents avaient vendu. Les pages se tournent une à une, dans une souffrance timide…

Ah ! Le cri étouffé de l’océan qui absorbe tout… Recouvre mes désirs, écume ma vie et vide ton ressac. Je ne veux qu’une vieille plage, pour m’éteindre près des coquillages… Les années passent et érodent, comme une douce marée, et il me tarde de revoir l’onde.

Teckhell

La Fontaine des Danaïdes

« Personne n’est aussi vide que celui qui est rempli de lui-même. »

  • Whichcate

Alors que la nuit veille, chaque flocon de brume, un à un, succombe à la lumière en un bel incendie solaire. Le gris rougeoyant gagne bientôt les toiles nocturnes et, sublime, crépite dans le ciel. On sourit des saisons qui passent et du jeu des braises qui s’essoufflent. Oh, ces volutes de fumée ! lourdes trainées d’une belle robe que l’on ne peut qu’imaginer.

Sur le calepin se dessinent de vieilles lettres, un peu fragiles. Les ratures soutiennent l’ouvrage que surveillent au loin des yeux fatigués. Le texte ne va pas très loin et bientôt le crayon volontaire est congédié. Il y a des choses que l’on écrit, dont on parle, et d’autres que l’on tait.

Deux âmes se tournent autour. Quelques contacts doucereux ponctuent les regards sucrés. Tout en plaisantant, ils se rapprochent, se rapprochent… Tout fout le camp, mais pas eux. Ils restent blottis, l’un contre l’autre, peut-être pour une nuit, peut-être pour une vie. Il lui touche la joue de sa main calme, ses yeux se voilent. De chaque baiser s’évade un petit amour, comme autant de merveilles avant que la nuit ne s’éteigne.

Tandis qu’elle se mord la lèvre, je raccompagne l’un de mes comparses, un peu éméché et un peu seul. Rapidement on ne distingue plus les amants.

Je ne regrette pas de boire à nouveau. En fait, ça n’a pas changé grand-chose, je reste capitaine de soirée. Chaperon, surveillant, vigilant, je bois un peu. Pourquoi pas. In vino veritas.

A chaque gorgée, le monde se désinhibe et se déshabille. Même les plus grands orgueils, adeptes des effets de manche, finissent par succomber. Et au milieu, les sobres et les un peu moins saouls. J’aime bien. Fut un temps, j’avais de la condescendance et du mépris mais maintenant, il ne reste qu’une curiosité enfantine et amusée.

Est-ce une bonne chose, est-ce une belle chose ?… Est-ce “juste” ? Aucune idée. Certains boivent par envie, d’autres par besoin, mais toujours revient cette pulsion d’oubli.

C’est ce que me bégayait notamment le bonhomme que je ramenais : “vient un moment où en tant qu’individu, tu t’oublies et tu te fonds au groupe”. Et puis il vidait son shooter et repartait sur la piste.

Ah le verre à moitié vide et/ou à moitié plein. Choisis ton camp, camarade !

J’ai choisi, il y a de ça des années, lorsque j’ai commencé à perdre le contrôle et à oublier. Je n’ai plus peur. A vrai dire, je ne ressens plus grand-chose. Ça s’en va, doucement, comme une brise passe par la fenêtre et aère la pièce.

La boisson m’est douloureuse car elle me rappelle à mes sempiternels problèmes, à leurs séquelles. Ne plus savoir s’amuser, s’accorder du plaisir, et rire jaune, rire jaune. Il n’y a que le détestable, il n’y a que les obsessions.

Je ne suis pas dupe, je ne suis pas défaitiste. Un équilibre va se mettre en place et avec un peu de chance je me retrouverais sur une piste de danse, con sensuel. Il faut juste tenir et ne pas froisser les autres. Les laisser vivre leurs nuits et leurs oublis.

En attendant, je reste avec mes mots, comme un écureuil un peu aigri avec un tas de noisettes. Je devise, je philosophe, je passe à côté de ma vie ; dans le sillage de cette fuite, semant les métaphores.

Teckhell